• Si les commentaires des sportifs avant et après les matches sont toujours empreints de finesse et d'intelligence, s'ils nous questionnent souvent sur la condition humaine et font vaciller nos idées reçues, les sportifs eux-mêmes ne sont pas les seuls responsables de cet éveil métaphysique, les journalistes sportifs y sont également pour beaucoup.

     Rejetant les questions trop évidentes et toujours prêts à traquer la Vérité, ils préféreront toujours un  « Alors, vous êtes contents d'avoir gagné ? » à un « comment expliquez-vous votre victoire ? ». Ainsi, le sportif pourra toujours mettre en valeur la finesse de son analyse technique ainsi que sa maîtrise des hyperboles et des figures de prétérition : « C'est vraiment super ce qui nous arrive, c'est génial, c'est fabuleux, je trouve pas les mots, c'est énorme, ça fait vraiment plaisir, on est très heureux, ça récompense le travail de tout un groupe » .

     De même, comme le journaliste n'ignore pas que le téléspectateur a parfois du mal à assimiler la richesse de ce contenu, il n'hésite jamais à poser au sportif la question à laquelle celui-ci vient de répondre. Le journaliste : « Vous êtes déçus d'avoir perdu ? » Le sportif : « Bien sûr, c'est une grosse déception, on est déçus, d'autant qu'on avait plutôt bien débuté mais ensuite on a trop reculé et  ils en ont profité, on leur a trop laissé le ballon ». Le journaliste : « mais est-ce que vous n'avez pas l'impression d'avoir trop reculé ? »

     Mais le journaliste n'est pas seulement doué pour faire parler le sportif et révéler en lui le journaliste qui sommeille et qui exercera peut-être un jour, lorsque sa carrière sera terminée ; il sait également anticiper à merveille ses réponses, palliant ses éventuelles difficultés à s'exprimer après l'effort : « En première mi-temps, on vous a vu aller de l'avant et effectuer un gros pressing sur le porteur du ballon et c'est fort justement que votre équipe a été récompensée. Après la pause, en revanche, on a senti que vous avez essayé de gérer votre avantage, jouant plus bas et attendant la possibilité d'exploiter un contre qui n'est jamais venue, c’est bien ça ? » Le problème est que le sportif ne sait pas toujours reconnaître le talent du journaliste et se sent toujours obligé d'y aller de son explication : « C'est vrai qu'on est bien entrés dans le match et qu'on a mis une grosse pression sur l'adversaire etc...

     Enfin, ce qui  fait le talent du journaliste moderne, c'est sa propension à nous révéler les secrets d'un match. Il se mue parfois en prophète lorsqu'il nous annonce, plus d'une seconde avant que ceux-ci ne soient effectifs, le remplacement de tel joueur, l'entrée en jeu de tel autre ou le nombre de minutes d'arrêts de jeu. D'autres fois, il nous révèle les états d'âme des joueurs et des entraîneurs sur le banc et on apprend alors une foule de choses insondables comme la colère d'un entraîneur mené 4-O,  la joie des remplaçants lors d'un but de leur équipe ou encore les précieux conseils tactiques donnés par l'adjoint à ses joueurs, comme « Allez, on continue ! » ou « c'est rien les gars ! », conseils sans lesquels il n'y aurait pas d'analyse tactique possible du match.

     Certes, on s'interroge parfois sur l'utilité de certains commentaires notamment lorsque Daniel Lauclair, micro bavard, casaque bleu marine, crinière poivre et sel et oeillères permanentes  hennit à chaque action dangereuse lorsqu'il est lâché sur le paddock, sangle trois fois le même joueur dans le box pour le soumettre à ses questions ou s'attarde sur les paris d'avant-match de Xavier Gravelaine qui mise toujours sur le cheval gagnant. Mais comme le disait si bien l'apôtre Pierre après le miracle de la multiplication : « ça ne mange pas de pain ». Et ça permet même à certains de gagner leur croûte. 

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  • Il est 21 heures jeudi soir, la journée a été chargée, je m’apprête à regarder un petit match pour me détendre. Je zappe sur canal plus sports, un match du championnat espagnol vient de commencer. Je me cale dans mon canapé avec un sundy et un Canada Dry : le rêve.

    Pourtant, au bout de deux minutes, je m’aperçois que quelque chose me gêne, ce n’est pas footballistique, c’est visuel, il me semble que je peine à distinguer les joueurs. Ca ne peut pas venir de l’écran, j’ai changé mon téléviseur il y a deux ans pour la dernière coupe du monde lorsque, convaincu que les bleus allaient refaire le coup de 2006, on me proposait de me le rembourser s’ils allaient en finale.  J’ai bien mes lunettes également, l’image est bonne, c’est de la HD, et pourtant les joueurs paraissent tout petits, les caméras sont sans doute postées très loin du terrain, j’ai parfois la très nette impression de jouer à Kick-off sur ATARI.

    Mais, à y regarder de plus près, tous les joueurs ne sont pas si petits que ça, c’est surtout le fait d’une équipe au maillot bleu et grenat. Bien sûr, je comprends parfaitement qu’on éprouve quelque honte, si l’on n’est pas guichetier à la poste, à porter de telles couleurs. Mais les dirigeants étaient-ils obligés de ne recruter que des joueurs de moins d’un mètre 60 ? Cette politique de club ne peut que soulever un certain nombre d'interrogations :  

    1. Les hormones de croissance seraient-elles le seul produit interdit aux sportifs Espagnols ?

    2. Puisqu’on manque cruellement de jockeys en Espagne, pourquoi ne pas envisager une reconversion de nos petits catalans ? En cas de forfait d'un cheval, on pourrait alors faire du poste pour poste…..à condition de doper les canassons pour qu’ils suivent le rythme…

    3. Passe-partout serait-il Espagnol ?

    4. Ibrahimovic a-t-il été viré pour éviter des complexes à ses coéquipiers ?

    5. N'est-ce pas un peu dommage pour des footballeurs gagnant des millions de devoir rouler en Volkswagen Mini-Golf ?

    Après une bonne demi-heure de match, je dois toutefois me rendre à l’évidence : ce serait une perte énorme que tous ces gars-là arrêtent de pratiquer leur art. Quelle grâce, quelle élégance, rarement dans ma carrière de spectateur j’ai pu voir des footballeurs pratiquer la danse à un tel niveau. Difficile de dégager une seule individualité de ce collectif bien que Sergio Busquets semble peut-être un ton au-dessus en matière de break tant il semble ne faire qu’un avec le sol. Dani Alves, son disciple, a quant à lui su allier avec un talent rare la gymnastique à la danse : les roulades et les saltos n’ont plus aucun secret pour lui et une reconversion au cheval d’arçon n’est pas à exclure d’ici quelques années. Mais d'une manière générale, il faut bien avouer que tous les joueurs Barcelonais rendent un hommage vibrant à la nature à chaque occasion et se font les défenseurs de l'écologie en embrassant très régulièrement la pelouse.

    Et que dire du collectif ? Jamais on ne voit un joueur aller vers l'arbitre sans qu'il soit suivi de ses neuf coéquipiers voire du gardien. Pas étonnant que Guardiola ait une si bonne image : aucun besoin de pester contre l’arbitrage, ses onze joueurs s’en chargent tout le match.

    Mais le plus admirable est que cette équipe s'est construite avant tout grâce à la formation. Certes, quelques joueurs ont également été achetés, mais toujours à des prix modiques (Fabregas et Villa pour 40 millions chacun, Sanchez 43 millions). Si le Barca a dû parfois mettre la main à la poche, c'est uniquement lorsque l'affaire était une opportunité exceptionnelle comme lorsqu'elle échangea la chèvre Eto'o contre l'illustre Ibrahimovic pour seulement 46 ME. C'est grâce à cette politique rigoureuse que le déficit du club ne dépasse pas les 500 millions d'euros et en fait, en cette période de crise, un exemple pour tout le continent européen. Tout ceci explique sans doute également  la fidélité des joueurs au Barca, leur incroyable amour du maillot qui leur fait refuser toutes les propositions  du FC Sion ou de l'En Avant Guingamp sans que cela ne soit jamais une question d'argent.

    Mais ce serait malhonnête de réduire le mérite du Barça à ces seules pratiques. Les coéquipiers de Xavi sont aussi de grands mathématiciens. Capables de dessiner des centaines de triangles aux quatre coins du terrain, ils poussent à bout ce concept en ne centrant jamais mais en terminant leur triangle après chaque débordement par une passe à ras de terre lumineuse vers le rond central. On est ainsi sûr de ne jamais s’ennuyer car en prenant aussi peu de risques, ils laissent peu de possibilités à l’adversaire de revoir la balle. Cette façon de jouer si novatrice a le double avantage de reléguer l’obsession de marquer des buts au second plan et d’éviter aux spectateurs un vulgaire duel entre deux équipes car rien n’est plus beau qu’une équipe qui joue toute seule.

    Le plaisir si intense de voir jouer cette équipe ne s’arrête jamais à la fin du match, il se prolonge jusqu’au bout de la nuit. Personnellement, il a commencé à se prolonger juste après que j’ai compté mon quatre-vingt dixième triangle….

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