• Une belle équipe de bras dédicacés

    Samedi 12h. Je me rends pour la première fois à un salon du livre, content d’y croiser quelques amis qui m’ont assuré de leur présence mais un peu inquiet à l’idée de devoir discuter avec des inconnus.

     

    Fort heureusement, l’apparente vacuité de notre existence est parfois heurtée par la Providence, qui semble nous rappeler à quel point rien n’est le fruit du hasard, et je m’aperçois en cherchant l’adresse du salon sur la brochure que son président n’est autre que David Foënkinos, découverte qui m’emplit d’une joie aussi profonde qu’ineffable. Puis-je encore douter de la force irrévocable qui guide ma destinée ?

     

    Le trajet lui-même n’est qu’une longue suite de confirmations de ce pressentiment liminaire, que ce soit à bord de la rame bondée au sein de laquelle je me sens aussi à l’aise qu’Anne Roumanoff parmi des humoristes ou dans la rue au milieu d’une pluie venteuse, lourde comme des branches de frêne, qui s’abat sur Paris avec la régularité d’un 49.3 sorti du chapeau par la magicienne du gouvernement, capable à tout instant de faire passer pour « le bien commun » la plus vile et la plus inique des mesures, pluie venteuse, disais-je avant d’être assez cavalièrement interrompu par une de mes digressions, que je traverse l’œil perçant et le front dégagé tel Ulysse affrontant Poséidon avec l’assurance d’Anne Hidalgo avançant dans la campagne présidentielle.

     

    Arrivé vers 13h20 au déjeuner des auteurs, je constate avec soulagement que ce sont des gens comme vous et moi dont l’accoutrement n’a rien à envier aux profs de collège les plus cools. Un peu plus tard, je découvrirai également que loin d’être des artistes éthérés constamment plongés dans quelque lecture absconse et hermétique, ils passent, comme Monsieur tout-le-monde, le plus clair de leur temps les yeux rivés à leur portable.

     

    Vers 16h, un bruissement se fait entendre et l’on voit s’élancer au loin, le regard aussi inexpressif qu’un second rôle de série française et le rictus immobile de l’homme trop content de n’être pas quelqu’un d’autre, traînant derrière lui une nuée de porte-flingues et de badauds que l’on peine à distinguer par leur insignifiance, le fruit du macronisme et de l’air du temps, celui qu’on ne présente plus car même les divinités semblent s’effacer devant son omniprésence : le grand, l’immense Gabriel Attal.

     

    Ma respiration s’accélère, je sens mes jambes flageoler et tout mon être « et transir et brûler ». J’aimerais tant qu’il s’arrête à ma table pour que je puisse lui dédicacer mon livre qui lui doit tout et pour lui signifier combien mes 300 mots haïssables ne sont rien en regard de tous les éléments de langage qu’il déverse chaque jour au kilo dans cette immense décharge à ciel ouvert qu’est devenu ce qu’on appelle avec bonheur, -et avec un sens de la poésie qui n’est pas sans rappeler les plus belles heures de Bruno Masure à « Vivement Dimanche ! »-, « l’espace médiatique ».

     

    En un peu moins de cinq heures de présence, pas moins de cinq personnes s’arrêteront à mon stand, dont deux inconnus sans doute inéluctablement attirés par mon sens de l’accueil, ma bonhomie avenante et mon exubérance légendaire qui ne m’ont fait qu’à quelques reprises jeter un œil par-dessus mon livre.

     

    Je renonce au dernier moment à me rendre au pot des auteurs à l’hôtel de ville par peur de conversations trop denses et trop littéraires et je rentre chez moi, les yeux encore embués par l’émerveillement de cette première fois.

     

    Il ne me reste plus, pour réaliser tous mes rêves, qu’à m’inscrire à une masterclass d’Éric-Emmanuel Schmitt ou de Bernard Werber, et je pourrai alors déclarer sans sourciller que j’ai tout accompli.

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