• Brétigny : l’honneur des médias reste à quai.

      Depuis  le déraillement du train à Brétigny, les informations autour de ce qui a suivi l’incident semblent avoir un sérieux problème d’aiguillage. Aucune ne va dans le même sens et chaque jour apporte son lot de contre-informations, de démentis ou de pinaillages. C’est à une véritable guerre des chiffres et un champ de bataille sémantique que nous assistons par médias interposés. A partir de combien de cailloux lancés sur les pompiers peut-on parler de « caillassage » ? Combien d’effets personnels dérobés peuvent justifier le terme de pillage ? Enfin, et surtout, à partir de combien d’actes de malveillance sur des secouristes, des blessés ou des morts est-on en droit de s’indigner ?

    Pompiers bon œil ?

    Lorsque le ministre des Transports Frédéric Cuvillier, maniant l’euphémisme comme personne, explique que les pompiers  « ont été accueillis de façon un peu rude », on ne sait plus qui l’on doit plaindre : les pompiers, qui depuis quelques années découvrent l’utilité de leur casque ou la société qui non contente de s’être habituée à cet « accueil » qui leur est réservé, sort aussitôt la lance à incendie dès qu’on y fait allusion?

    La réponse à cette question, c’est le sous-préfet d'Etampes qui nous la donne : « je démens que des secours aient fait l'objet de jets de projectiles, à l'exception d'un camion de pompiers, qui pourrait avoir été visé mais n'aurait pas été touché »

    Tout s’explique enfin grâce à cette information qui pourrait avoir été de première importance mais n’aurait pas suffisamment été relayée : les pompiers ne font donc pas partie des secours et seuls sont déclarés délinquants ceux qui savent viser. Notre société « caillasseuse » est solide comme le roc et comme dirait Candide parodiant Leibniz : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles »

    Ne leur jetons pas la pierre

    Le même Frédéric Cuvillier a déclaré après l’incident n'avoir pas eu connaissance "de victimes dépouillées", faisant simplement état "d'actes isolés", "d'une personne interpellée" et "d'une tentative de vol de portable" sur un secouriste. Mais de "véritables actes commis en bande, non", a dit le ministre.

    Nous voilà grandement rassurés, tout ceci n’a pas été commis en bandes. Si chacun a agi de façon isolée, on ne peut que collectivement s’en féliciter !

    Le Front fait écran.

    Certes, quand des membres du FN tweetent sur leur compte « Lapidation, pratique barbare employée dans les pays où s’applique la Charia et sur les secours à Brétigny-sur-Orge » (Philippe Cheynet, secrétaire départemental du FN de Haute-Loire), on se dit que décidément, un grain peut en cacher un autre.  Mais s’indigner contre de tels tweets doit-il nous empêcher de nous indigner contre la délinquance cynique de quelques jeunes ? Ne laissons pas au FN le monopole du haut-le-cœur !

    Mediapart des choses

    Si même Mediapart a abondé dans le sens du vandalisme en rappelant que le périmètre de sécurité avait dû être élargi et qu’il y avait eu finalement six interpellations, leur conclusion laisse songeur : « Est-ce vraiment le moment de polémiquer ? Est-ce que ces faits ont plus d’importance que le drame lui-même ? A l’heure où les familles pleurent à peine leurs disparus, je trouve, pour ma part, que cette polémique est vraiment…indécente…chaque chose en son temps... »

    Le raisonnement est limpide : parce qu’un train a déraillé, il faudrait ne plus réfléchir pendant une semaine. C’est vrai que voler des morts, des blessés ou des secouristes, c’est pas très bien mais en parler, c’est carrément abject. Attendons un peu et regardons passer les trains.

    Le Canard décroche la palme

    Enfin, on peut lire dans Le Canard Enchaîné de cette semaine : « En fait, il s’est agi d’incidents mineurs, une embrouille entre des jeunes et les secouristes et un vol de portable sur un médecin du SAMU ». Outre qu’il est étonnant de constater que pendant les vacances, Le Canard se met à parler comme Besancenot, si l’on suit son raisonnement, ce n’est quand même pas la faute des jeunes si les secouristes cherchent l’embrouille. Et si on ne peut plus taper le portable d’un médecin qui s’occupe de cadavres, où va-t-on ? La France serait-elle devenue vieux jeu à ce point ?

    Non, décidément, si un train a bien déraillé à Brétigny, il ne fait aucun doute en revanche que les médias français sont sur la bonne voie.

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  • Commentaires

    2
    Quamel Pusati Profil de Quamel Pusati
    Mardi 23 Juillet 2013 à 20:53

    Je te trouve bien cynique, Kodati -:)

    1
    kodati
    Mardi 23 Juillet 2013 à 10:46
    je me demande surtout ce qui est advenu des six "jeunes" interpellés. Je n'ose même pas espéré que les circontances aggravantes ont été reconnues alors que le code pénal le prévoit.
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