• Si le retour du printemps est de nature à vous remplir de bouffées d'allégresse au point que vous vous sentiriez capables de donner la main à des inconnus pour faire une grande ronde en chantant « Gli altri siamo noi » d'Umberto Tozzi, il est fort probable que cette chronique ne vous plaise qu'à moitié.

    Depuis quelques jours, en effet, le printemps pointe le bout de ses bourgeons. Le soleil et la douceur font renaître nos sens après une longue hibernation, les jours et les chaises rallongent, et la terre retrouve sa fertilité.

    Faut-il pour autant se réjouir que le printemps fasse son grand retour et pensez-vous que cela vaille vraiment la peine de se délecter du vol des merles et des mésanges et du chant du rossignol ? Moi, no !

    Quel plaisir peut-il y avoir à regarder croître cette herbe un brin provocatrice s'il faut la couper chaque semaine ?

    En outre, ce printemps qui raccourcit les jupes et fait pousser les branches ne garantit en rien la naissance de nouvelles idylles. Ce n'est pas parce que Mars arrive que Venus l'accompagne et « paysage en fleurs » n'est pas nécessairement synonyme de « fête de la tige ».

    Quant au retour du beau temps, cela signifie surtout que nous n'aurons pas droit à un rayon de soleil le week-end sans devoir supporter l'odeur d'essence du barbecue des voisins ou les cris des enfants qui piaillent et viennent couvrir le chant des oiseaux de leurs affreux hullulements. Le seul avantage de ces fins de semaine propres à nous faire devenir misanthropes, c'est qu'on réalise à quel point c'était bien de les conserver enfermés tout l'hiver.

    Si je veux être tout à fait honnête, je dois avouer également que la tiédeur du printemps ne me fait ni chaud ni froid et je trouve même sa prétendue beauté un peu au ras des pâquerettes. S'il offre ses fleurs, il ne fait, en revanche, pas de cadeau en faisant briller davantage le vide de nos mornes journées.

    Enfin, s'il y a un réel plaisir à sortir et à se promener, il s'arrête net à l'entrée des parcs bondés dans lesquels chaque famille vient s'entasser à heures fixes, essayant tant bien que mal de grappiller fiévreusement l'illusion de la liberté et de s'émerveiller devant cette pâle représentation de la nature.

    Bref, rien de tel que l'arrivée du printemps pour constater que notre liberté se mesure en centimètres carrés, ceux-là même sur lesquels on dépose l'été sa serviette comme une bannière sur un territoire âprement conquis mais jamais totalement hermétique aux attaques d'un envahisseur en slip de bain, d'une barbare à la glacière sous le bras, d'un parasol avide de répandre sur nous sa part d'ombre ou d'un ipod crachant par tous ses orifices la médiocrité musicale la plus aboutie.

    Le printemps arrive ? Pistil à jamais aller porter ses fleurs ailleurs.

     

     

     

     

     

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  • C'est déjà un plaisir en soi d'écouter de la musique mais ce plaisir n'est pas loin de virer à l'extase lorsqu'on écoute certains de ses morceaux préférés sur Youtube.

    Entre les publicités, les illustrations video et les commentaires postés par certains internautes, c'est à une véritable constellation de reflets fidèles des chansons que nous avons droit. Et il n'est pas rare que cet apport indéniable aux modestes mélodies que nous écoutons réponde, mieux que la chanson elle-même, à nos désirs de rêveries et à nos mornes aspirations.

    Des pubs licites

    Tout d'abord, quoi de plus judicieux qu'une publicité pour introduire une chanson ? Quoi de moins éloigné de l'art que les produits de consommation ? Et en ce qui concerne les chansons d'amour, quoi de plus logique qu'une annonce avant une déclaration ? L'amour ne se résume-t-il pas, lui aussi, à un slogan ?

    Une petite pub pour le Doliprane juste avant de bercer son chagrin, après une rupture, par l'écoute d' une chanson triste, est idéale pour éviter de se prendre trop la tête et pourrait presque inspirer les publicitaires. Trop nostalgique ? Prenez un antalgique.

    En outre, n'est-on pas ravi, lorsqu'on est amoureux mais sans le sou, de commencer son écoute par une pub pour les banques ?

    Le bonheur est dans le prêt liminaire disaient ensemble Jacques Prévert, Rocco Siffredi et Emmanuel Macron.

    Muse hic ?

    Mais que dire de la pertinence des video postées par les internautes pour donner aux chansons toute leur résonance ?

    Peut-on trouver meilleure illustration de la complexité de l'amour qu'un homme huileux et à moitié-nu embrassant goulûment sa moitié sous un ciel étoilé au-dessus duquel la providence compatissante semble poser sur le couple un regard bienveillant ?

    Quel plus beau symbole de la mélancolie qu'un homme faisant le signe du cœur avec les mains autour d'un coucher de soleil ou qu'une femme se délassant en bikini sur une chaise longue dans un jardin de banlieue ?

    Enfin pouvait-on trouver un écho plus juste à la nostalgie d'Avec le temps de Léo Ferré que des photos de chaton lapant du lait ou se roulant dans l'herbe ?

    Prenez-les pour des com'

    Mais le plus beau, ce sont évidemment les commentaires, qui par leur pertinence, redonnent aux chansons toute leur grandeur.

    Les « A toi mon chouchou d'amour », ne permettent-ils pas de prolonger l'extase par la pertinence de l'évocation et la poésie du langage ? Quant aux commentaires en anglais, du type « Baby, I love U forever » ne sont-ils pas un hymne à l'universalité ?

    Et si certains messages déversant leur haine viennent parfois alimenter le débat, c'est un bon moyen de lire des commentaires mêlant coliques et diarrhées.

    Bref, on ne peut s'empêcher de penser que Baudelaire, s'il avait vécu à notre époque, aurait enfin trouvé un écho à son spleen et un remède à son ennui. Mais le poète, hélas privé de ces outils précieux, a dû composer avec son mal-être et écrire les Fleurs du mal. Un vrai gâchis.

     

     

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  • Pourquoi, malgré les critiques dont elle est l'objet chaque année, la Saint-Valentin continue-t-elle à rencontrer un tel succès ?

    Soyons pragmatiques : si l'on est vraiment amoureux, c'est la Saint-Valentin tous les jours, pas besoin de cette date pour ajouter quoi que ce soit à notre bonheur. Et si en revanche notre couple se délite, ce n'est certainement pas la seule Saint-Valentin qui permettra de changer les choses. Ce n'est pas parce qu'on se fait un resto que les sentiments ne vont pas rester bas et il ne suffit pas de dîner avec des bougies pour que vous ayez envie de faire un chant d'elle.

    Pourtant, il faut avouer que c'est assez commode de n'avoir à porter attention à son conjoint qu'une fois par an. C'est d'autant plus pratique que comme tout le monde en parle, on ne risque pas, contrairement à son anniversaire, de rater la date.

    Comme en plus, on sait que ce jour-là, les amants sont aussi pris par leur conjoint officiel, personne n'est perdant.

    On peut toujours, pour oublier qu'on souffre, se souvenir que Valentin est le nom d'un martyre et noyer son chagrin dans le vin qu'on s'est fait offrir. Un cubi-don pour fêter Cupidon est toujours le bien Venus.

    Mais n'est-ce pas un peu ostracisant de continuer à célébrer une fête qui ne concerne qu'une catégorie de personnes ? N'est-ce pas anormal et cruel qu'il faille, chaque 14 février, son célibat taire ? Ne devrait-on pas au contraire revenir aux traditions anciennes qui permettaient ce jour-là aux jeunes hommes et aux jeunes femmes seules de trouver l'âme sœur ? N'est-il pas au moins aussi important de leur faire une fleur que d'en offrir une ?

    D'autre part, il y a quelque chose de sordide à proclamer son amour le même jour que tout le monde et à penser à toutes ces fausses déclarations faites uniquement pour payer son tribut à la société, à ces serments d'hypocrites de tous ces hyper cracks du crac-crac annuel.

    Peut-on se satisfaire d'un « je t'aime » institutionnel et d'un bouquet de fleurs qui n'est peut-être que la gerbe testamentaire déposée par notre amant sur le tombeau de ses sentiments évanouis dans l'abîme du quotidien ?

    Que valent les rêves de princesse quand ils sont dictés par les princes de ce monde ? Quand les caresses sont réglementaires, le carrosse ne tarde pas à redevenir citrouille et c'est nous qu'on prend pour des courges.

    Et puis, tous ces couples qui font l'amour en même temps, c'est quoi d'autre qu'une partouze déguisée ? Le jour de la proclamation du caractère unique de son amour, c'est un peu confondre orgie et jour J.

    Enfin, comment comprendre cette date du 14 février ? Si cette période était le symbole de la fécondité dans l'antiquité, quel rapport maintenant entre cette fête mi-niaise, mi-racoleuse et la mi-février si ce n'est le mi-racle du commerce ?

    Certes, on peut comprendre la volonté de fêter son nid d'amour en hiver d'autant que les bougies en plein été, ça perd un peu de son charme, mais pourquoi février ? Et pourquoi le 14 ?

    Bref, pendant que les restaurateurs et les fleuristes se frottent les mains, je n'ai pas fini de me gratter la tête.

    Mais après tout, à quoi bon chercher du sens, quand celui des affaires suffit à faire le bonheur de notre société ?

     

     

     

     

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  • Dans la recherche effrénée du bonheur qui est la nôtre, faire un séjour au ski n'est pas forcément une bonne piste. Si le charme des sports d'hiver ne vous laisse pas de glace, dites-vous bien qu'il y a d'autres moyens de tutoyer les sommets. Voici au moins dix bonnes raisons pour ne pas partir au ski.

     

    1) Pas besoin d'aller si loin pour avoir froid. Si vous aimez les conditions difficiles, il n'est pas forcément nécessaire de faire 600 kilomètres. Aller à Mouthe, par exemple, petit village connu pour ses records de température avoisinant les -40 peut-être une alternative intéressante : un petit séjour dans le Doubs peut suffire à vous combler si vous aimez être dans le dur.

     

    2) Éviter les chutes et les blessures. Il y a moins de chances que vous vous blessiez en restant chez vous, surtout si vous êtes au chômage. La montagne est le lieu de tous les dangers et multiplier les sauts n'est pas forcément le meilleur tremplin pour la santé. En vous prenant plusieurs bûches, vous courez le risque de faire du petit bois et ce serait dommage de s'être cassé le cul à faire ce voyage simplement pour se briser le coccyx. En outre, quand on chute du haut des pistes alors qu'on est vacances, on tombe de beaucoup plus haut que si l'on était resté à la maison.

     

    3) Ce n'est pas forcément le lieu de rencontres idéal Ce n'est pas parce que tout le monde vous fonce dessus qu'il est facile de faire du rentre-dedans et il ne suffit pas d'avoir une bonne glisse pour briser la glace. Quant à faire du chasse-neige pour trouver du gibier, c'est l'idéal pour rentrer bredouille. Enfin, avec toutes les couches qu'on doit se mettre sur le dos pour se protéger du froid, pas facile de distinguer entre le vêtement 3 boudins et le boudin tout bêtement. Seuls les fins connaisseurs trouveront la bonne combine pour repérer la bonne en combi.

     

    4) Le sport, c'est fatiguant. Plier les genoux toute la journée pour se dégourdir les jambes, c'est le meilleur moyen de finir sur les rotules. Et c'est usant de se courber vers l'avant quand on en a déjà plein le dos. Enfin, c'est quand même le comble de se pousser au cul pour aller sur un tire-fesses.

     

    5) On risque de rater la dernière démarque. Partir au moment de la fin des soldes n'est pas forcément la meilleure marque d'intelligence. Ce n'est pas parce que vous allez laisser des traces dans la neige que vous retrouverez nécessairement vos marques. Tout a un prix et la seule chose qui risque d'être soldée, c'est votre compte en banque.

     

    6) Ne pas avoir la trace des lunettes. Si vous comptez frimer avec votre bronzage, n'oubliez pas que vous aurez beau vous mettre des crèmes ou du fond de teint autour des paupières, il est fort probable que l'absence d'homogénéité de votre bronzage crève les yeux et qu'on vous cerne assez vite. Autrement dit, si vous espérez plus facilement faire de l'oeil en rentrant du ski, vous vous fourrez probablement le doigt dans le vôtre.

     

    7) Il y a d'autres moyens d'avoir une bonne descente. C'est certes dommage de rater une semaine de ski mais il n'y a pas de quoi s'en faire une montagne. Il suffit de prendre un petit remontant pour retrouver une bonne descente ou de vider quelques pintes pour être sur la bonne pente. En outre, le plaisir de regarder la télé pendant une semaine en tapant frénétiquement sur la télécommande équivaut bien à une semaine à la neige, surtout si on se trompe de chaîne. Rien de tel en effet qu'un planter de bouton là où la télé siège pour retrouver les joies des sports d'hiver.

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  • «Il était très serviable, ultra poli, une politesse presque curieuse». Et puis, «il aidait les jeunes filles avec des caddies un peu lourds». Et il lui arrivait même de «prêter des tournevis et des marteaux à des voisins».

    Mais surtout, il «baissait les yeux quand il croisait les femmes»

    Voici la description de Chérif Kouachi par un de ses voisins (20minutes.fr).

    Quant à Mohamed Merah, le tueur d'enfants, c'était un jeune homme «normal», qui «achetait des bonbons» aux enfants de son quartier et «jouait beaucoup au foot». «Gentil, calme, respectueux», il était un voisin modèle, de celui «qui vous donnerait un coup de main pour monter un canapé». (Europe 1.fr).

    La liste est loin d'être exhaustive. On trouve à peu près le même genre de déclarations quand on interroge les voisins d'autres grands criminels.

    Moi qui ai souvent eu des voisins se plaignant du bruit voire menaçants au point que j'ai dû, il y a quelques années de cela, faire une main courante, que n'aie-je eu l'idée d'habiter à côté de djihadistes ou de tueurs en série ?

    Si j'avais eu la bonne idée d'être le voisin de Chérif Kouachi, par exemple, j'aurais sans doute été moins seul pour monter mes courses. Mais c'est surtout pour mon déménagement que je regrette de ne pas avoir habité à côté de Mohamed Merah. Et c'est avec une pointe de regret que je me dis qu'ils ne seront malheureusement plus là pour aider les autres à mieux vivre ensemble en leur donnant un coup de main à la moindre occasion.

    Il est évidemment difficile d'imaginer que derrière un divan se cache parfois un Colonna et que si le voisin a autant de tournevis chez lui, c'est parce qu'il a plus d'un tour dans sa boîte à outils. On ne peut pas se méfier de tout le monde et ce serait faire provision de paranoïa de penser que tout homme qui aide des jeunes filles à remplir un caddie va forcément finir par les courser. Ou de croire que si le voisin offre des bonbons aux enfants, il ne va pas tarder à leur montrer son sucre d'orge. Mais n'est-ce pas la meilleure arme du criminel que de faire croire qu'il n'en a pas ? Et le principe de tous les pédophiles que de ne pas se découvrir trop tôt ?

    Qu'attendent les journalistes qui vont interroger les voisins : qu'on leur dise que l'assassin portait continuellement un écriteau « je suis un tueur, je vais bientôt passer à l'action », qu'il avait déjà violé cinq enfants de la cité et tué deux vieillards mais qu'ils attendaient patiemment que les journalistes de BFM TV viennent leur rendre visite pour leur révéler ?

    Quelles traces de barbarie fumeuses espèrent-ils découvrir ? Que le djihadiste avait tendance à parler dans sa barbe et le pédophile à crier sur ses barbies ?

    A quoi sert-il de continuer à interroger les voisins des tueurs quand les réponses sont toujours les mêmes ?

    Que les chaînes d'info en continu se livrent à ce petit jeu en attendant que tombe la neige et que les journalistes jouent les faux cons en attendant les flocons, on peut le comprendre, mais que les autres médias arrêtent enfin de faire comme si nous étions tous nés de la dernière pluie.

     

     

     

     

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