• Le Blues de Ribéry (de Seblas Mauge)

    Exclu : avant son retour dans l’antre de sa gloire phocéenne mercredi soir, Franck Ribéry s’est confié à l’un de nos journalistes. Dans un souci de clarté, les propos du Kaiser ont été « traduits » a posteriori avec l’aval de l’intéressé.

    Nous rejoignons Franck chez lui, dans sa salle de lecture emplie d’un calme studieux si tant est que l’on puisse faire abstraction de la puissance sonore du dernier morceau des illustres Magic System, qui n’a eu de cesse de tourner en boucle durant l’interview. Nous découvrons un Franck Ribéry serein, assis dans un canapé à la rutilance écarlate, plongé dans la lecture d’un livre épais tout en battant la mesure avec le talon d’une de ses mules allemandes sur le carrelage immaculé d’une pièce par ailleurs dotée de plusieurs écrans plats, chacun relié à des consoles de jeux posées négligemment sur une table basse centrale sous laquelle agonise dans son cercueil cartonné la dernière part d’une pizza dont les ultimes effluves ne laissent aucun doute sur l’identité de la garniture : une 4 fromages.
    De peur de violer un moment de réflexion intense et intime qui n’appartient qu’à lui, nous nous raclons discrètement la gorge pour signifier notre présence à l’ancien joueur marseillais. D’abord surpris, puis amusé, il corne avec précaution la deuxième page de ce que l’on devine être « Le monde comme volonté et comme représentation », dans sa langue originale, puis lève ses yeux vers nous, des yeux rougis par l’émotion littéraire et philosophique qu’il venait de vivre et que l’on vient d’interrompre sans scrupule, nous pauvres plumitifs de bas étage. C’est avec un voile de honte dans la gorge que nous débutons cette rencontre qui nous marquera à jamais.

    Seblas : Est-ce que ça va Franck ? Vous lisez Schopenauer ?

    Franck Ribéry : Aaaaah ouais c’liv’ de fils de p..., ça pique à mes yeux ! L’ coach m’a re’filé c’ torch’cul pour qu’je pige queqchose à comment causer comme la langue de Goethals mais c’est auch sa mère la p... !

    Traduction : Merci de vous enquérir de mon émotivité à fleur de peau. Je n’ai pu effectivement retenir mes larmes devant le discernement foudroyant de cet immense génie. C’est sur les conseils avisés de mon entraîneur et mentor que je me suis procuré cet ouvrage. Cela me permet qui plus est de parfaire mon apprentissage de la langue de Goethe même si, je le reconnais avec beaucoup d’humilité, je ne maîtriserai sans doute jamais toutes les subtilités et les inépuisables richesses de l’allemand. A mon grand regret. 

    S : Ce match tant attendu de Ligue des Champions, au Vélodrome face à l’OM, doit signifier beaucoup de choses pour vous.

    FR : Ouais bon c’est clair qu’à Marseille j’me gelais moins les c... qu’en Bavarie. Le soleil, la mer, les p’tits culs en string, j’kiffais tu vois. Marseille ça le fait quoi, y a pas de souci… Mais à un moment donné faulait que je pensais à faire évoluer ma carrière de part vers le haut pour avoir un ratatissement international. Mais bon j’me tapais des barres avec les coéquipiers et j’ai niqué sa mère au PSG, j’déchirais grave les matches, tranquille.

    T : Oui ce match revêt pour moi un caractère particulier, je ne peux le nier. Plus qu’un club, Marseille est une ville où il fait bon vivre grâce à ce climat typiquement méditerranéen au sein duquel je me suis épanoui aussi bien personnellement que professionnellement. Si j’avais le temps, je vous écrirais une ode à Marseille… Mais après ces années merveilleuses, j’aspirais à une destinée internationale dont la condition sine qua non résidait dans l’émigration vers des contrées considérées, peut-être à tort, comme plus prestigieuses. Pour autant, cela n’effacera jamais les moments de franche camaraderie vécus avec mes partenaires de l’époque, ni les joutes extraordinaires menées face au grand Paris Saint-Germain et durant lesquelles - au diable la modestie !- j’ai brillé comme jamais.

    Ses yeux s’illuminent, sa lèvre inférieure tremble légèrement. Il est bientôt temps de nous retirer pour le laisser méditer sur ces souvenirs si vivaces dans son esprit. Non sans une dernière question. La question qui fâche.

    S : Franck, comment expliquez-vous ce désamour du public français à votre égard ?

    FR : Franchement, tu vois, les français j’les enc... ces bâtards. C’est quoi le problème ? Je me suis tapé une p... et alors ? Tout le monde se tape des p.... Et pis j’ai grave déconné à la Coupe du Monde et alors ? Jétais pas seul tout. Franchement ça suffit pas que j’ai z’été chialer comme un pédé à Téléfoot ? Faudrait que j’en prende encore des coups et que j’me bouffe les c... pour qui sonté contents ces enc... ??? Vas-y dégage connard tu me saoules…

    T : Je dois avouer que cela me laisse perplexe. Certes j’ai commis des erreurs, je le reconnais, mais je les assume car elles font partie intégrante de ma personnalité et participent intensément au développement de mon cheminement intérieur vers la Vérité. Je reconnais m’être égaré dans des affaires de mœurs que la Morale réprouve même si cette Morale ne tient qu’à un fil, celui de l’hypocrisie humaine. Puis ce fut la rébellion collective lors de la Coupe du Monde. Mais même si c’était dans l’erreur et la naïveté crasse, nous avons prouvé à la Terre entière que nous étions soudés comme une véritable équipe. N’est-ce pas le plus important ? Je me suis profondément excusé devant les français et j’ai courbé l’échine face à la vindicte populaire. Que puis-je faire de plus ? Le temps n’est plus à la repentance, je dois aller de l’avant et accomplir ma vie d’homme aussi dignement que possible. Je sens la mélancolie s’emparer de moi, je vais vous demander de prendre congé mon ami.

    Nous nous éclipsons respectueusement. Après ce bouleversant échange, seul le silence s’impose.

    Seblas Mauge

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