• Intoxication élémentaire

    Comment avons-nous pu nous laisser berner de la sorte ? Comment avons-nous pu remettre en question les propos des politiques qui ne font, comme jadis Socrate, que rechercher la vérité ? Il faut vraiment être d'une naïveté sans précédent pour penser que Najat Vallaud-Belkacem et Vincent Peillon seraient des idéologues.

    Quand le ministre de l'enseignement explique que « c’est au socialisme qu’il va revenir d’incarner la révolution religieuse dont l’humanité a besoin, en étant à la fois une révolution morale et une révolution matérielle, et en mettant la seconde au service de la première » (Vincent Peillon, La révolution française n’est pas terminée. Ed du Seuil. 2008, p. 195), on voit bien qu'il fuit l'idéologie comme la peste.

    Le PS, qui a toujours appelé un chat une chatte, qui n'a jamais remplacé « austérité » par « effort », « flexibilité » par « flexsécurité », « allègement des charges des entreprises » par « pacte de compétitivité », serait-il en train de vouloir introduire la théorie du genre à l'école sous couvert de « pédagogie égalitaire active » ? On ne peut y croire.

    Neutraliser la contestation

    « Il n’y a pas d’enseignement de la théorie du genre à l’école mais une «éducation à l’égalité fille-garçon», a déclaré mardi Vincent Peillon pour rassurer les parents, après un appel à boycotter l’école un jour par mois. (Libération).

    Heureusement que les journalistes ont fait leur travail d'investigation cher au moustachu le plus célèbre de France pour rétablir la vérité et voler au secours du gouvernement. "Des conneries" selon Mediapart. « La première escroquerie des anti-« gender » » selon Le Monde.fr, c'est qu'ils affirment « qu'il existe une « idéologie » du « gender », une sorte de théorie philosophique et politique. En réalité, ces « gender studies » se traduisent par « études sur le genre », et sont donc une discipline universitaire, en aucun cas une idéologie ou une théorie politique » (Le Monde.fr). Avouez que cela change tout.

    Comment pourrait-on craindre une théorie qui n'existe pas ? Qui pourrait nier qu'il est matériellement impossible d'enseigner une théorie qui ne se donne pas comme telle ?

    Et L'Humanité de parler de « propagande délirante » et Le Point de « folle rumeur ».

    C'est rassurant de constater qu'en matière de genre, les médias savent se montrer neutres.

    Si M. Peillon dit qu'il n'y a pas d'enseignement de la théorie du genre à l'école, on peut le croire puisque la théorie du genre n'existe pas. On ne peut douter de la bonne foi d'un homme qui n'a jamais cherché à tordre la vérité ou les chiffres au moment de sa réforme avortée des classes prépas. Mentir, ce n'est vraiment pas son genre.

    Une absence de théorie bien pratique

    Pour mieux nous convaincre, les médias ne cessent de nous renvoyer aux fameux « ABCD de l'égalité ». Quand on se rend sur le site en question, on ne peut qu'être rassurés. On peut par exemple, si on a 74 minutes devant soi, écouter Véronique Rouyer, maître de conférences en psychologie du développement de l’enfant et de la famille décortiquer, lors de sa conférence, tous les comportements sociaux qui vont construire l'identité sexuelle des individus et qui vont empêcher les parents de « donner une éducation  neutre à l'enfant ». 

    Qui pourrait penser une seule seconde qu'elle est en train de repérer les constructions sociales du genre et donc de faire exactement ce que recommandent les théories, pardon les études de genre ?

    La présentation de la conférence, sur le site du gouvernement est pourtant on ne peut plus claire « Cette conférence s’intéresse aux processus par lesquels tout individu, au cours de sa vie, est amené à assimiler des normes et des codes sociaux relatifs au masculin et au féminin ». Aucun lien donc, avec les études de genre, qui « répertorient ce qui définit le masculin et le féminin dans différents lieux et à différentes époques, et s’interrogent sur la manière dont les normes se reproduisent jusqu’au point de paraître naturelles. » (source Wikipedia)

    Toujours sur le site, on trouve ensuite « C’est par ces processus que vont se créer et évoluer tout au long de la vie les identités sexuées des personnes des deux sexes ».  Là encore, il faudrait faire preuve d'une incroyable mauvaise foi pour établir un quelconque rapport avec la théorie (excusez-moi, « les études ») du genre selon laquelle le sexe d’une personne est considéré comme étant construit socialement et culturellement.

    On comprend que les journalistes, ayant fait leur travail avec la plus grande rigueur, aient crié tout de suite à « l'intoxication » et à la paranoïa « conspirationniste ».

    Jouer à la poupée russe

    Peut-on imaginer sérieusement que les socialistes veulent endoctriner nos enfants et que Najat, rusée comme un serpent, chercherait à répandre son venin idéologique dans la société ?

    Interrogée sur l'expérience menée depuis quelques années dans la crèche Bourdarias de Saint-Ouen, la directrice Marie-Françoise Bellamy a tenu à préciser au journal L'Humanité en novembre 2011 : «  je n’ai jamais eu de remarques à propos du projet genre ». Projet genre ? La directrice a dû se tromper, tout comme la directrice adjointe qui déclare que « Malgré nos efforts pour inciter l’école la plus proche à poursuivre la réflexion sur le genre, la dynamique a du mal à prendre. » En voilà qui n'ont rien compris au projet « combattre les stéréotypes de sexe » et qui voient du « genre » partout. Des activistes de Civitas, très certainement.

    La démarche est en tout cas un franc succès, car comme le déclare une éducatrice « on voit de plus en plus de filles jouer au ballon ». Mais voit-on suffisamment de garçons jouer à la poupée » ? On l'espère car l'inverse serait un dangereux constat d'échec pour l'égalité et « la lutte contre le sexisme ».

    On se demande bien ce que deviendrait la société si Najat Vallaud-Belkacem, qui se félicite de cette expérience, n'était pas là pour veiller à ce qu'on fasse tout bien comme il faut. On a d'ailleurs hâte qu'elle nomme des commissaires qui viendront vérifier à domicile si l'éducation des garçons et des filles à la maison est suffisamment indifférenciée.

    Au PS en tout cas, on lave les méninges sales en famille. C'est ça la vraie démocratie : demander aux médias qu'on laisse la vie privée de pépère tranquille afin de mieux contrôler la nôtre. Comme au bon vieux temps de la Russie. Le tout sous le regard bienveillant du petit pépère des peuples.

    Halte à la masturbation intellectuelle

    « C'est l'un des derniers angles d'attaque des contempteurs de la supposée « théorie du genre » : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) " enjoindrait aux écoles et aux crèches d'encourager la masturbation enfantine" rapporte Le Monde.

    Dans le document de l'OMS intitulé Standards pour l'éducation sexuelle en Europe, on conseille simplement, entre 0 et 4 ans, d' « Informer l'enfant sur le plaisir et la satisfaction liés au toucher de son propre corps, la masturbation enfantine précoce, la découverte de son propre corps et de ses parties génitales » Et l'OMS de justifier ces approches par le fait que « l’éducation sexuelle fait partie intégrante de l’éducation générale; elle est de toute façon dispensée aux enfants, même si ce n’est pas de manière explicite ou consciente. (...) Même en ne parlant pas de sexualité (…) l’environnement général influe lui aussi sur la socialisation sexuelle de l’enfant. »

    Certains extrémistes arguent que la part d'implicite est nécessaire à la construction de l'enfant et que mettre des mots sur tout dès le plus jeune âge peut être angoissant pour celui-ci. C'est sans compter sur l'esprit critique des enfants entre 0 et 4 ans et leur discernement qui leur permettra de ne retenir que les informations dont ils ont besoin.

    Quant aux affreux ringards qui pensent que ce n'est pas le rôle de l'école de transmettre ces informations mais celui des parents et qui demandent le respect des principes fixés dans le Code de l’Education qui garantit le « respect de la personnalité de l'enfant et de l'action éducative des familles » (art. L. 111-2) , ils oublient un peu vite qu'il n'y a encore pas si longtemps, l'église ne se privait pas pour enseigner les méfaits de la masturbation.

    Il est donc logique que le Kremlin (pardon le gouvernement) contre-attaque avec un nouveau catéchisme qui permettra à nos chers bambins d'intégrer la « normalisation du thème de la sexualité » en apprenant que « les sujets relatifs à la sexualité sont foncièrement positifs et plaisants. » (rapport de l'OMS) et qui permettra à tous les parents de chanter « Demain, l'éduc'nationale sera le genre humain ».

     

    Lien vers le rapport de l'OMS https://www.sante-sexuelle.ch/wp-content/uploads/2013/11/Standards-OMS_fr.pdf 

    Lien vers la conférence « construction de l'identité sexuée de l'enfant » Les ABCD de l'égalité : http://www.cndp.fr/ABCD-de-l-egalite/outils-de-formation/conference.html?idvideo=10&cHash=d27d2f23840ee2ae7df9c65bc49e4392 

     

     

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  • Commentaires

    8
    francky
    Jeudi 13 Février 2014 à 13:18

    Bien analysé sam et que de recherches ! certains médias devraient beaucoup s 'en


     inspirer! Franck


     

    7
    Dimanche 2 Février 2014 à 23:36

    @Chris2: intéressant. il ne me semble pas, ceci dit, que la crainte des parents qui n'ont pas mis leurs enfants à l'école ait été qu'ils deviennent homosexuels! (enfin, je l'espère de tout coeur en tout cas). J'ai moi-même beaucoup joué à la poupée quand j'étais petit, même si j'avais toujours un peu peur que mes copains l'apprennent par ma soeur. 

    Ne pas nécessairement différencier les activités qu'on propose aux garçons et aux filles, je trouve ça plutôt intelligent. Essayer de faire réfléchir les élèves aux stéréotypes de genre dès leur plus jeune âge, je trouve ça plus contestable. Que le gouvernement n'assume pas ce projet d'introduire le genre et qu'il cache cela derrière l'appellation "combattre le sexisme", ça , ça m'énerve carrément. Que les médias fassent comme si tous ceux qui avaient compris le contraire étaient de sombres crétins forcément issus de l'extrême-droite, là ça me révolte carrément. Mais qu'ils ne sachent même pas que l'éducation sexuelle entre 0 et 4 ans est fortement conseillée par l'OMS, ça me laisse sans voix.

    6
    chris2
    Dimanche 2 Février 2014 à 20:42

    j'ai 4 garçons qui ont eu des poupées et des poussettes (comme Caliméro), pour le même résultat! course de poussettes dans le couloir, avec le petit dernier à la place des poupées!!! Lui, n'a pas hurlé, il riait aux éclats!!Bizard, il n'a jamais demandé pourquoi il était un garçon et pas une fille! Ils ont tous fait des scoubidous, des peintures très sagement, fait la vaisselle, la cuisine et rangé les chaussettes avec moi... et ils sont tous des hommes, des vrais ai-je envie de dire, avec la capacité d'être un homme qui sait accomplir les tâches de la maison mais aussi le bricolage...Je pense que le stéréotype activités féminines/activités masculines est dangereux mais le défaire intelligemment n'amène pas à l'homosexualité au contraire même.

    5
    caliméro
    Samedi 1er Février 2014 à 19:22
    J'adore la théorie du genre. Mes fils ont eu des poupées, eux aussi. Des jolies poupées de chiffon. Ils jouaient au foot avec, les poupées volaient d'un bout del'appart à l'autre. On a dû interdire les poupées-ballon quand la petite soeur a eu 15-16 mois car elle hurlait chaque fois que mes fils jouaient à la poupée (poupée-ballon). Depuis, plus
    de poupée ballon. Ma fille sachant à peine marcher a ramassé les poupées chiffons, les a couchées dans son lit et leur a fait plein de
    calins (sans jamais avoir vu de petite fille jouer à la poupée) et on
    s'est barré à IKEA - minute pub- pour acheter des ballons en mousse.
    Ma fille est la preuve ambulante de l'idiotie des salades actuelles
    comme le formatage social des petites filles jouant à la poupée. Ses
    hurlements stridents signalent toute maltraitance de poupée avec
    une efficacité redoutable.
    4
    Samedi 1er Février 2014 à 15:58

    On a le droit d'être d'accord avec les études de genre et de s'intéresser à la déconstruction de certains stéréotypes. Mais ce qui me semble un peu plus suspect, c'est de ne pas l'assumer sous prétexte que la "théorie du genre" n'existe pas. Que les journalistes ne voient aucun rapport entre le gender et les ABCD de l'égalité me semble également très étonnant.

    3
    Laurene F
    Samedi 1er Février 2014 à 15:55

    Bravo et merci pour cet article! J'avais du mal face aux collègues, qui ont unanimement gobé  les "informations" servies par les médias, qui, une fois n'est pas coutume, sont tous d'accord sur ce sujet (bon, ok, il y en a quelques autres comme "l'islam, ce danger").

    As-tu noté l'énormité affirmée par Peillon et Vallaud-Belkacem à propos de "l'obligation scolaire", sans plus de précisions. Je n'ai entendu aucun journaliste corriger par "obligation d'instruction de 6 à 16 ans". Ce qui nous ramène au projet de loi du Sénat qui prévoit la quasi-interdiction de l'instruction en famille. Bah oui, il ne faudrait pas que quelques dizaines de milliers d'enfants échappent au formatage "républicain"...

    C'est scandaleux de voir à quel point les médias sont restés superficiels sur ce sujet (cf les recherches que tu as faites, les documents facilement disponibles comme le rapport de l'OMS) et se sont tous attardés, non pas sur le fond du problème, mais sur la "folle capacité de la pauvre populasse à croire à ces rumeurs infondées diffusées par SMS"! Pas étonnant que certains en viennent à soupçonner un vaste "complot politico-médiatique...

    2
    Médias BurnOut
    Samedi 1er Février 2014 à 15:52

    Merci Quamel! J'ai eu la nausée en écoutant France Inter hier matin (31/01), dans Comme on nous parle. "La théorie du genre n'existe pas", "une folle rumeur", etc.. Toujours autant de recul et d'objectivité de la part de ces chers journalistes à la pensée unique, une bande de potes parisiens qui se marrent bien entre eux et qui toisent le moindre avis contraire de bien haut. Ca devient courageux d'avoir un autre avis sur les questions d'éthique et d'oser l'émettre. Dans quelle démocratie vit-on? Alors bravo. Continue.

     

    1
    Samedi 1er Février 2014 à 15:14

    Excellent ! Longue vie à ce blog, qui ose ... et de plus, comme c'est bien dit, c'est un vrai régal :)

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