• Agression textuelle

    Vendredi matin, je constate sur mon emploi du temps que l'heure de français de ma 4ème A est remplacée par une heure d'intervention de la BPDJ (brigade de la prévention de la délinquance juvénile).

    Je suis au départ un peu surpris que cette heure de prévention n'ait pas été ajoutée à l'emploi du temps et qu'on l'ait mise à la place de l'heure de français, convaincu un peu naïvement que le français est une matière essentielle à la construction et l'épanouissement de l'élève, mais je me rends très vite compte que cette intervention est sans équivalent avec une heure de cours.

    L'intervention doit en effet porter sur les agressions sexuelles et je m'apprête à recevoir, sans le savoir, une véritable leçon de pédagogie. Moi qui essaye toujours d'utiliser un langage soutenu en classe, je constate avec ravissement que le langage cru et parfois grossier du gendarme : « Ah ben oui ben y m'a montré son kiki » « Monsieur, il m' a touché le cul » est parfaitement assimilé par les élèves.

    En outre, il parvient habilement à relater tous les détails nécessaires à la bonne compréhension du sujet sans jamais choquer les élèves grâce à un discours dénué d'affect et d'une précision chirurgicale. Ainsi, savoir, comme le leur dira l'orateur, qu'une « langue dans l'anus », « un pénis dans l'oreille » ou « un objet dans le vagin » est aussi un viol, permet d'éviter toute ambiguité sans heurter la sensibilité de ces enfants de treize ou quatorze ans.

    Mieux, il parvient à plusieurs reprises à faire rire l'assemblée, tout au moins quelques garçons, les filles étant toutes inexplicablement restées muettes durant toute l'heure.

    Mais le conférencier a également l'immense mérite d'inscrire la question du viol dans un contexte plus général. En effet, il est essentiel de ne pas donner à ces adolescents une image uniquement négative du sexe. Conscient de l'éventualité de cet écueil, le tribun n'hésite pas à abreuver nos jeunes adolescents d'informations toutes plus essentielles les unes que les autres, comme les trucages utilisés parfois dans les films pornographiques pour faire durer aussi bien le rapport que le moment où l'acteur-comme le dit si délicatement le poète en uniforme- « balance la purée ».

    Enfin, il ne partira pas sans laisser aux élèves plusieurs conseils avisés, comme par exemple, de demander à leurs parents quand ils ont fait l'amour pour la première fois et combien de temps ça a duré, en n'omettant pas de les prévenir au préalable -au risque de braver la sacro-sainte théorie du genre-  : « Votre père dira peut-être : « avec ta mère, ça a duré trois semaines et demie » alors que votre mère dira peut-être : « j'étais à peine couchée qu'il avait déjà fini »

    Ce qui est remarquable dans le discours de ce sage, c'est l'absence totale de dimension morale car, comme il me l'expliquera à la fin, « de toute façon, les jeunes, lorsqu'ils sont condamnés pour viol, ne se rendent pas compte de ce qu'ils ont fait ». Le raisonnement est imparable : si les enfants sont comme ça, ce ne sont pas les adultes qui vont les changer. Autrement dit, puisque la conséquence est celle-là, à quoi bon travailler sur la cause ?

    Quant à la question de savoir s'il est bien utile de donner des détails sur la conception des films pornos, la réponse du philosophe en camionnette est là encore on ne peut plus éclairante : « à cet âge-là, ils ont déjà tous vu des films porno ».

    C'est vrai que dans ce cas, entendre un adulte leur en parler comme la chose la plus anodine qui soit n'a rien de choquant.

    Je lui aurais bien demandé pourquoi on n'en avait pas regardé des extraits tous ensemble mais j'avais malheureusement cours avec une autre classe.

    A la fin de l'heure, c'est toute la littérature qui me semble tout à coup bien inutile. N'est-ce pas dérisoire d'imaginer découvrir la sexualité à travers les romans quand le mariage de la gendarmerie et de l'éducation nationale nous offre, en 55 minutes chrono, tout ce qu'il faut savoir sur le sexe ? La réalité ne vaut-elle pas mieux que la fiction ? La poésie de ce gendarme ne vaut-elle pas celle des poésies érotiques de Baudelaire ? Ses précisions ne viennent-elles pas compléter à merveille les euphémismes et les sous-entendus d'un Laclos ?

    Après cette brillante intervention, on ne peut que se réjouir de voir que nos enfants sont aussi bien protégés et de constater qu'on peut faire confiance à l'éducation nationale pour laver les oreilles de nos enfants de son discours purificateur.

    On a hâte en tout cas que les préconisations de l'OMS en matière de prévention sexuelle (à partir de quatre ans) soient appliquées dans tous les pays d'Europe.

     

     

     

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  • Commentaires

    12
    Samedi 26 Avril 2014 à 06:59

    Bonjour,


    Rendons hommage aux dames qui liront et participeront à ce tire croisé , en toute sincérité elles n'ont pas encore assez la parole et leur avis ( plus ou moins éclairés ) seraient-ils pris en considération ?


    Si ma mémoire courte ne me fait pas'' des-faux ! '': au moyen age les " parasites " cité par Lionel " se regroupaient au centre des villes ( recherche de sécurité ) laissant les campagnes aux bandits e grands-chemins ?


    In fine je trouve que le débat est salutaire nous pouvons ENCORE échanger nos opinions.


    Un bémol :pourquoi la pédagogie est elle réservée exclusivement aux enseignants? que font les parents ? ASM (Abst. sans. motifs ! )


    Merci pour ces riches moments passés en vos compagnie

    11
    Lionel
    Mardi 22 Avril 2014 à 14:26

    On ne pourra plus dire que que c était de la chance.

    1997 - 2009 - 2014, 3 finales, 1 titre deja. En Avant Guimgamp est éternel.

    10
    Sylvain V
    Lundi 21 Avril 2014 à 11:44

    J'ai de mon côté bénéficié de deux telles interventions de la BPDJ avec ma classe de CM2 (certes pas sur les agressions sexuelles; une sur le principe des lois et l'autre sur la prévention des dangers liés à internet - thème qui me parait ô combien intéressant vis-à-vis de l'utilisation encore "naïve" d'internet par un enfant de 10 ans et de leur arrivée prochaine au collège) et ces deux interventions ont été en tous points REMARQUABLES, de mon point de vue, pleines de pédagogie et de réflexion justement...

    Comme quoi il s'agit aussi sans doute d'un problème de personnes...

    Peut être parce que mes intervenants étaient des intervenantes, qui sait... 

    D'un point de vue général, je trouve positif que la BPDJ vienne intervenir dans les écoles/collèges/lycées, à partir du moment où un travail évident de préparation et de réflexion est effectué avant l'intervention auprès des élèves, tiens tiens, comme nous pour nos séances de classe, finalement...

    9
    Lundi 21 Avril 2014 à 09:53

    @peache. Oui, j'ai bien entendu un gendarme prononcer ces mots devant une classe d'adolescents. C'est d'ailleurs ce qui a motivé cet article.

    Je ne prétends absolument pas détenir la science infuse ni encore moins être capable de faire ce type d'intervention devant une classe d'adolescents. J'essaye au contraire de montrer que si ça part d'une bonne intention (prévenir les agressions sexuelles et aider certains adolescents à découvrir qu'ils sont victimes), présenter à une classe ce sujet requiert beaucoup de tact et de pédagogie. C'est un véritable métier et confier cette mission à des gendarmes qui ne sont pas formés pour ça me semble risqué et ce d'autant plus que ce type d'intervention risque de se faire devant des publics de plus en plus jeunes (c'est en tout cas ce que préconise l'OMS)

    Je ne vois pas en quoi être indigné par ce que j'ai entendu ferait de moi une personne qui méprise les gendarmes et qui par conséquent n'est pas capable d'éduquer. Mais comme j'ai la science infuse, je ne vais sans doute pas tarder à comprendre.

     

     

    8
    Lundi 21 Avril 2014 à 02:19

    """""""""""""le langage cru et parfois grossier du gendarme : « Ah ben oui ben y m'a montré son kiki » « Monsieur, il m' a touché le cul »""""""""""""""""

    Vous avez vraiment entendu un gendarme prononcer ces mots devant une classe d'adolescents ? Permettez moi d'en douter !!!!

    votre diatribe tend à faire ressortir que vous  détenez la science infuse, Pourquoi le Gouvernement ne fat il pas appel à vous en cette matière? Le mépris que vous portez à ces hommes  dont vous exigez le respect  me laisse désespérer de vos capacités à éduquer .

    7
    Lionel
    Samedi 12 Avril 2014 à 19:10

    Tu devrais vraiment donner un écho plus important a ce genre de chose.


    C´est tres grave ce qui se passe. Il ne s´agit pas d´un cas isolé, d´un policier qui explique un cours de littérature avec ses 500 mots de vocabulaire, - je n´ai rien contre les forces de l´ordre-, bien au contraire -. Il s´agit d´une entreprise de débilisation des masses, afin d´asservir le peuple.


    Dieu est mort, les francs-macons, grotesques dégueulis, imitations crétines des rites chrétiens prennent le pouvoir. Ce pouvoir maconique se mondialise depuis une vingtaine d´années, et la plupart de nos intéréts sont dans les mains de groupes, banques entre autres, qui se trouvent a l´étranger.


    Comment faire pour que le peuple avale la pilule ? Comment faire pour que le peuple de France, qui a pourtant une tradition millénaire accepte  l´arnaque ?


    Il faut lui faire perdre ses reperes, le diviser, a travers la théorie du genre, le mariage homo c´est pareil que le mariage hétéro, les droits du beau-pere, les droits de la femme, des lesbiennes, des transexuelles. Culpabiliser la majorité, 80 %, pauvre hétéro monogame, qui vive tranquillement leur vie.


    Tu ajoutes un bon sentiment de culpabilité avec Touche pas a mon pote, organisation sioniste, visant a détruire le prolo francais, raciste donc, forcement méchant avec les Arabes - La Main de fatma -, peuple qui a deja tué 6 millions de juifs, - la couleur jaune -.


    Que signifie donc l´intervention de ce brave policier qui ne fait qu´obéir aux ordres, et qui ne comprend probablement pas plus que les profs, corps professionel traditionnellement totalement soumis, l ímmonde qui se trame derriere tout ca ?


    Il s´agit d´accroitre encore plus la perte de repere. Policier, prof, curé; tout cela est un peu pareil du moment que c´est gentil et droit de l´hommiste, c´est mal d´etre contre.


    Ce qui vient de se passer dans ton cours, ne doit absolument rien au hasard. Comme tout se vaut et rien n´a d´importance, c´est normal que tous les gens qui font marcher la société, prof, policier, infirmier, boulanger se trouvent obligés de vivre dans des zones péri-urbaines ou excentrés; alors que presque seuls les parasites; banquiers, publicitaires, traders, héritiers pourront vivre dans les centres villes.


    Les uns devenant chaque jours plus pauvres, les autres toujours plus minoritaires, devenant plus riches.


    Evidemment vouloir sortir de ce systeme, signifie etre nazi, mal, pour la plupart. Et bien alors je suis un nazi.

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    6
    Samedi 12 Avril 2014 à 11:37

    L'idée d'expliquer la sexualité par la  littérature n'est pas idiote je trouve. En effet on peut trouver toutes les formes de frustrations que l'on veut et décrite moins crument. Comme dans une vie de Maupassant, le fait d'être forcé de faire l'amour par son mari( ou "copain") par exemple. Bonne proposition pour l'éducation nationale ;). excellent article

    5
    Lionel
    Jeudi 10 Avril 2014 à 02:55

    Tu veux etre lu et avoir un petit impact sur la société j´imagine ? Sinon l´entreprise de débilisation sociétale continuera.


    Il faut que tu envoies la. www.egaliteetreconciliation.fr/


    Premiere fois, 5 diamants, pas 5 diamants. Question en suspend.


     

    4
    so
    Lundi 7 Avril 2014 à 20:19

    Je rigolais tellement que Chad est venu voir ce qui pouvait bien m'arriver mais je lui ai dit que ce n'était pas de son âge !!!

    3
    caliméro
    Lundi 7 Avril 2014 à 17:43
    Faudrait pouvoir interviewer la femme / la copine / le partenaire / la chienne / bref le schmillblick de ce brave gendarme pour comprendre la profondeur du discours.
    2
    Laurene F
    Lundi 7 Avril 2014 à 12:09

    Oh mon Dieu... 

    1
    Lundi 7 Avril 2014 à 11:33

    Ca fait rêver, en effet... dommage qu'on ne puisse pas tous en profiter, mais merci à toi Qamel, de nous partager toujours aussi habilement, ce vécu plein de rebondissement :-)

     

    Anabelle

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