• Certes, on peut légitimement se réjouir qu’une fois de plus, la large victoire de François Fillon lors du premier tour de la primaire de la droite et du centre ait ramené à la raison-à défaut d’humilité- les analystes de tous bords et les instituts de sondage : le plaisir de voir la Sofres en souffrance n'a d'égal que celui de constater les flops de l'IFOP.

    Certes, on est en droit de lire dans cette énième surprise une nouvelle victoire de la démocratie et du vote populaire comme on a pu le lire dans certains journaux. Et je souscris en partie à cette analyse. Mais en partie seulement. Car il y a d'autres arguments au fait que Juppé ait soudainement perdu la « chepê ». Et il aurait dû comprendre que ne pas trop se fier aux sondages, c'est élémentaire si on ne veut pas rater une primaire.

    Si l’engouement soudain pour François Fillon est incontestable, il mérite d’être nuancé, ne serait-ce que parce qu'il n'y avait que 4 millions de votants. Oui on peut penser qu'il retire en partie les bénéfices d'un certain discours de vérité -difficile de faire le reproche à quelqu'un qui se revendique de Thatcher de n'être qu'un tchatcheur – et de sobriété : le Sarthois a toujours préféré les rillettes à la double ration de frites. Quant à savoir si le remède ne risque pas d'aggraver le mal et si s'inspirer de Miss Maggie suffira à ce que la magie opère, comme le disait si bien Gérard Blanc, "ça c'est une autre histoire".

    Sa remontée tient sans doute aussi à la volonté qu’ont eue les Français de pencher pour un autre candidat que ceux imposés par les médias et les sondages tout en votant utile. Ce n’est qu’une hypothèse mais avouons que l’écart entre le 3ème et le 4ème de la primaire (+ de 18 points) ne l’invalide pas. Tout comme le report des voix de Bruno Le Maire et d’Alain Juppé sur le Sarthois. C’est comme si une bonne partie des électeurs avait désespérément attendu la possibilité de voir émerger un autre candidat que Sarkozy, dont beaucoup ne voulaient plus, et Juppé, que nombre d’entre eux se refusaient à voir comme « l’alternative la moins mauvaise », comme le scandent de nombreux médias depuis des mois. Autrement dit : ce n'est pas parce qu'on n'a pas le nain sur le cœur qu'on a forcément envie de crier « Chauve qui peut ! ». Et en l'occurrence, le cri de ralliement a plutôt été « Courage, Fillon »

    Or, sans même parler du concept de primaire ouverte qui offre à qui le souhaite la possibilité de voter pour essayer de faire perdre tel ou tel candidat dans l’optique de la présidentielle, le fait que nombre d’électeurs n’aient peut-être pas voté pour leur candidat préféré lors du premier tour car ils savaient pertinemment, à cause des sondages, que celui-ci n’avait aucune chance d’être élu, interroge. Et l’on peut se demander si la possibilité de mettre des sondages à toute l'IPSOS, et ce jusqu’à quelques jours d’un premier tour, est bien compatible avec l’idée que l’on se fait de l’exercice démocratique.

    Fort heureusement, au deuxième tour, ce problème ne se posera pas. Et étant donné la quantité astronomique d’articles destinés à éreinter François Fillon publiés depuis dimanche soir-s'il n'est encore ni pédophile ni violeur en série, c'est sans doute que le deuxième tour arrive un peu trop tôt-il est fort probable que le peuple affirme cette fois sans discussion sa souveraineté et sa volonté de ne pas se laisser dicter son opinion jusque dans les urnes. Bref, pour les fillonistes, que certains l'aiment chauve, c'est le cadet de leurs sourcils. Et ça ne leur fera pas faire de cheveux blancs.

    Mais ce n'est pas tout : en interrogeant Fillon sur plusieurs de ces accusations sans beaucoup de distance ni de finesse, les journalistes du débat ont sans doute avantagé l'ex Premier ministre de Sarkozy en lui permettant d'endosser le beau rôle à peu de frais, celui qui recadre les journalistes et qui tente de s'extraire de la « caricature » (mot qu'il a employé une bonne dizaine de fois). Et il y a fort à parier que cela motive plus que jamais ses électeurs et leur donne envie de défier les lois de l'anatomie en prouvant qu'on peut avoir un Fillon à sa tête.

     

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    Dé-Trumpez-vous : je n'ai aucune espèce de sympathie pour Donald Trump. Quand on aime la littérature, ses euphémismes et ses sous-entendus, on n'est que rarement séduit par les papes du populisme qui croient faire le meilleur en disant le pire. En outre, ce doit être mon côté raciste révélé par l'affaire Black M, je n'arrive pas à me résoudre à ce qu'un homme de race orange ait pu accéder à la Maison-Blanche.

    Pourtant, je ne sais pas ce qui m'inquiète le plus depuis quelques jours : l'élection de Trump ou les réactions à son élection. Beaucoup, sur les réseaux sociaux, avaient réduit celle-ci à un choix entre la peste et le choléra. Je me doutais que le choix de la peste n'enthousiasmerait pas grand monde mais j'étais loin d'imaginer qu'autant de personnes regretteraient le choléra.

    Son entourage, à force de faire croire à Hillary qu'il n'y avait pas de raison de se faire de Bill, ne l'a pas aidée à voir qu'elle allait se prendre une bonne Trump. Mais les erreurs de prévisions ne sont pas les seules responsables de sa défaite. Se contenter d'accuser les sondages, c'est oublier qu'il ne faut jamais prendre les chiffres au pied de la lettre. Et cela traduit bien la difficulté qu'elle a eue et qu'elle a encore à analyser les raisons de son échec. Difficulté qu'elle partage avec ses électeurs et ses supporters de tous les pays.

    Que les mêmes qui hurlaient « pas d'amalgame ! » puissent assimiler Trump à ses électeurs et mettre tous ceux-ci dans le même sac, celui des « ignorants », des « crétins » ou « des racistes » doit en tout cas conforter nombre des soutiens du milliardaire dans leur choix et fait sans doute saliver d'avance ceux de Marine Le Pen. Doit-on mettre dans le même panier les racistes et ceux qui n'ont pas cru aux salades de Clinton ? Sont-ils tous abrutis parce qu'ils n'ont pas voulu des promesses de la globalisation heureuse ?

    Certes, on ne peut décemment se réjouir que celui qui traite les femmes comme de la viande soit élu. Mais il ne suffisait pas d'affirmer haut et fort que le mac Donald ne croit qu'en sa grosse frite pour que plus personne ne choisisse le menu qu'il concocte pour les Etats-Unis. Et pour Clinton, la note est plutôt salée.

    Admettons-le : il y a quelque chose de terriblement injuste à ce que le soutien de Lady Gaga et de Beyoncé ne suffise pas à faire élire un politique-à moins que ce ne soient les faveurs sexuelles proposées par une quasi sexagénaire qui aient changé Madonne. Mais l'argumentaire des adversaires de Trump était trop simple pour réussir : c'est un raciste, un sexiste, un fou. Quiconque a un cœur et un peu d'humanité dedans ne peut décemment voter pour lui. Or la démo des démocrates n'aura pas suffi à répudier le Républicain.

    Ce n'était pas facile de coller son billet qu'un homme dont la fortune est estimée à 3,7 milliards de dollars puisse passer pour davantage proche du peuple que son adversaire. Mais c'est sans doute là que réside le seul mérite de Trump : avoir compris le ras-le-bol du peuple des banques, des multinationales et des lobbys. En insistant sur le financement plus que douteux de la fondation Clinton, en martelant sa défiance vis à vis de l'establishment et en proposant lors de ses cent premiers jours des mesures destinées à lutter contre les lobbys, il a sans doute réussi à gagner quelques indécis et à faire pencher la balance de son côté. Ceux qui pensaient, comme les Clinton, que fricoter avec le Qatar était incontournable et n'avait plus aucune incidence sur l'opinion se sont mis le Doha dans l'œil.

    Tout comme nos commentateurs et nos analystes qui n'ont pas vu venir l'élection de Donald Plutôt alors que le Brexit aurait dû nous alerter sur la colère des peuples et le refus de ce monde globalisé qu'on nous propose comme seul horizon. Résultat : on s'est beaucoup moqué de la femme de Trump qu'on avait bien du mal à imaginer en première dame. Mais Donald avait raison de prendre sa Daisy pour une réalité.

    Je suis toujours un peu surpris que certains de mes concitoyens parviennent à garder leur sang-froid quand nos enfants se font écraser dans la rue par nos propres compatriotes mais crient à la fin du monde quand un peuple élit démocratiquement son président. Quant à ceux qui continuent de penser que l'élection du milliardaire serait la preuve qu'il y a 50% de crétins dans le monde, je crois qu'ils surestiment grandement l'être humain. Si Trump n'a certainement pas le monopole du cœur, ses adversaires ont prouvé qu'il n'avait pas non plus celui du mépris de l'autre.

     

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