• Depuis le 28 novembre, des sextoys comme le tiani -cerclés d'or comme des bagues de mariage- sont vendus avec une assurance rupture. Logique, après tout : à quoi bon conserver des anneaux s’il n’y a plus d’anal ? Car le plaisir sexuel, à force d'être érigé en besoin vital, est peu à peu devenu un droit.

     

    En 1974, lors d'une conférence réunissant 29 sexologues à Genève sous l'égide de l'OMS, naît le concept de « santé sexuelle ». La santé, selon une définition qui n'est pas sans rappeler celle de la secte Richnou des Inconnus, est alors présentée comme « un état de complet bien-être physique, mental et social »

     

    Agnès Giard, dans un excellent article paru sur Libération.fr, explique que « les sexologues décident alors de transformer l'orgasme en facteur d'épanouissement ». Dès lors, rien ne vous empêche de répondre à l'habituel « Bonjour, comment ça va ? » par : « Pas terrible, je n'ai pas joui. » De même, on pourrait très bien imaginer, à terme, des employés ne se rendant pas à leur travail pour défaut d'orgasme. Plus besoin de retard de train, rater le tramway nommé désir suffit. Bref, autant dire que si quelque chose ne va pas, c'est sans doute que vous n'avez pas eu autant de phallus qu'il n'eût fallu.

     

    Mais ce n'est pas tout. En assignant comme objectif au sexe « l'amélioration de la vie et des relations personnelles », les sexologues de l'OMS nous invitent à considérer ce dernier comme l'outil indispensable à notre ouverture à l'autre car les vertus du sexe seraient telles qu’elles rejailliraient -si l'on peut dire- sur tous ceux qui nous entourent. En somme, le sexe devient si utile à la société qu'on pourrait presque « baiser pour la bonne cause » pour reprendre la formule d'Agnès Giard. « Le bonheur est dans le pré », disait Prévert. Non, il est dans les préliminaires, lui rétorquent les ayatollahs de la jouissance pour tous.

     

    Pas étonnant dans ce contexte qu'en 1999, l'Association Mondiale de Sexologie (WAS) invente le concept de droits sexuels : « pour atteindre un bon niveau de santé sexuelle, les droits sexuels de tous doivent être respectés, protégés et mis en œuvre» précise l'association. Puis d'ajouter : « Chacun a le droit à la justice, au recours et à la réparation en cas de violation de ses droits sexuels »

     

    Mais dans une société qui se veut sans putes et sans repères, qui n'a pas prévu d'offrir à tous l'épanouissement sexuel, à qui pourra-t-on imputer la faute de n'avoir pas suffisamment joui, au risque de sa santé et au mépris de son développement personnel ? Eh bien à l'individu vivant à ses côtés. D'un côté on pénalise les clients de prostituées, de l'autre, on proclame le droit à la jouissance. C'est ainsi qu'un Niçois s'est vu condamner à verser 10000 euros d'amende à son ex pour ne pas lui avoir suffisamment fait l'amour en mai 2011, la décision de la Cour s'appuyant sur l'idée qu'un « dommage » aurait ainsi été causé à la victime. Décision d'autant plus surprenante qu'on peut légitimement penser que si le mari avait porté plainte le premier, il aurait pu bénéficier des mêmes avantages. Mais après tout, s'il est avéré qu'il n'a pas suffisamment fait l'amour à sa femme, ce n'est pas illogique qu'il ait fini par se faire baiser. Même si cela a de quoi laisser coït.

     

    A force de ne pas jouer au pénis, n'importe qui peut donc se prendre les pieds dans le filet. Et tant que certains seront prêts à saisir la balle au bond pour vous donner le premier coup de raquette, on pourra se la renvoyer très longtemps pour savoir qui n'a pas fait jouir l'autre. Il n'y a évidemment aucun moyen de prouver que votre vagin est en jachère et que votre mari ne vous a pas labourée depuis des lustres sans que cela l'empêche de traire la poitrine de la voisine. Mais cela n'interdit pas pour autant certains juges de vous condamner. Désormais, en matière de sexe, personne n'est à l'abri. Il ne faut jamais dire « femme fontaine, je ne boirai pas de ton eau » et ne répondre aux questions des juges qu’en présence de sa boule de geisha.

     

    Stimuler le clitoris de sa chère et tendre et astiquer le phallus de son compagnon seront peut-être bientôt deux activités aussi surveillées que le remplissage de sa déclaration d'impôt, et il y a peu de chances qu'on puisse plaider la phobie orgasmique. L'avantage, c'est qu'il y a peu de risques de voir son conjoint simuler. En revanche, il faudra s'habituer à ce qu'il nie avoir eu un orgasme, quand bien même vous auriez été témoin de ses soupirs, car souffler n'est pas jouir. Qu'importe ! Le jour où lécher l'anus de son partenaire fera baisser le prix des assurances, ce sera enfin le début des raies jouissances.

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