• Dimanche soir, 19 heures 37, je rentre d’un week-end à Aix avec un ami. Nous sommes à la gare, nous nous apprêtons à prendre le train et je me délecte d’avance des discussions et des fous-rires que nous allons avoir. Juste avant de nous diriger vers le quai, il m’annonce que nous prendrons place à bord d’un IDTGV et sur le coup, je dois bien avouer que cette information ne me semble pas revêtir une importance capitale. La suite me prouvera que j’avais tort.

    Lorsque nous montons dans le train, le conducteur annonce que les différentes voitures sont réparties en deux ambiances bien distinctes : IDzen pour les voyageurs recherchant le calme, le silence et le repos et IDzap pour ceux qui souhaitent dialoguer, échanger, rencontrer. Zen et zap : que ces mots sont bien choisis ! Comme ils reflètent à merveille ce qu’ils désignent et démontrent par là toute la poésie des publicitaires de la SNCF ! Quoi de plus proche de la méditation en effet qu’un voyageur qui tapote frénétiquement sur son iphone le dimanche soir à bord d’un Paris-Marseille ? Et pouvait-on trouver un mot plus à propos que zap pour évoquer des rencontres humaines et la profondeur des échanges ?

    Pour une fois que je voyage en célibataire avec mon ami d’enfance, j’espère bien que nous sommes en IDzap. Mais l’air momifié des voyageurs qui nous entourent ne me laisse que peu d’espoir. Un espoir qui s’éteint définitivement quelques secondes plus tard lorsque le contrôleur réprimande avec le plus grand sérieux deux voyageurs qui avaient osé parler à mi-voix, sans chuchoter suffisamment : « je vous rappelle que vous êtes en IDzen » explique-t-il, comme s’il était possible d’oublier cette oppressante réalité. On peut pourtant tout faire dans l’IDzen. On peut discuter, rire, chanter, danser, on peut même avoir un orgasme, à condition que ce soit en silence.

    L’IDzen, c’est un peu comme le canada dry : ça ressemble à une bonne idée, ça a l’aspect d’une bonne idée, mais ce n’est pas une bonne idée, et c’est pour ça que ça désespère. J’en suis là de mes réflexions et je m’apprête à demander au contrôleur si je ne suis pas en train de lire mon journal un peu trop vite pour l’IDzen lorsque j’entends tout à coup que les voyageurs de l’IDTGV ont la possibilité de bénéficier d’un massage fait par une professionnelle en voiture 14. Je ne sais pas si c’est la voix de l’annonceur ou l’article que je viens de lire mais je me sens d’un seul coup beaucoup plus zen.

     Mais lorsque j’arrive en voiture 14, je m’aperçois que les massages ont lieu dans le wagon restaurant, sur un tabouret aussi confortable que peut l’être un tabouret SNCF, et qu’il y a déjà un jeune homme qui profite du savoir-faire de la masseuse, accompagné d’un ami à lui, qui, un verre de rosé à la main, profère des remarques aussi délicates que : « Ben, dis-donc, t’as de la chance mon salaud, t’es toujours dans les bons plans, toi ! ». J’ignore  de quel wagon proviennent ces deux énergumènes mais ce dont je suis sûr après cette première expérience IDTGV, c’est qu’il faudrait parfois zapper pour pouvoir rester zen.

    Google Bookmarks Blogmarks

    2 commentaires
  •  « Je suis simplement heureux d'avoir été en mesure de (…) montrer aux gens que le cyclisme a vraiment changé.» a déclaré Chris Froome, le récent vainqueur du Tour. Quel sens du partage, quelle générosité chez ce britannique, on n’avait pas vu ça depuis Andy Murray. Le Tour, qui fêtait son centenaire cette année, a-t-il tant changé que ça ?

    La roue tourne ?

    « Ça doit vraiment être l'un des sports les plus propres, si ce n'est le plus propre.» a ajouté Chris Froome dans une interview donnée à Reuters TV. Tout dépend de ce qu’on entend par propre : cette expression désigne-t-elle les sportifs eux-mêmes ou le matériel qu’ils utilisent ? En matière de brillance, les cyclistes ont beau sucer des roues toute la journée, difficile de trouver plus propre que le curling. En revanche, si l’on met de côté Paris-Roubaix, il faut avouer que sur le Tour, les coureurs portent assez beau, même en fin d’étape, la palme revenant bien sûr à Froome qui a terminé l’épreuve sans transpirer.

    Froome, c’est un nom prophétique puisque c’est le bruit qu’il fait quand il pédale à 418 watts sur la portion du Ventoux à l’abri du vent, soit 4 de plus qu’Armstrong et Pantani  et 417 de plus  que Pépère sur son pédalo. Le seul homme qui descend quand il monte mérite-t-il d’être descendu maintenant qu’il est au sommet ? Le vainqueur de Tour le plus pâle depuis Greg Lemond est-il vraiment tout blanc ?

    S’il faudra encore quelques séances de musculation au Britannique, sa calvitie est en tout cas une première étape méritoire dans sa tentative de ressembler à M. Propre.

    Personne n’est dupe, tout le monde se dope ?

    Tout d’abord, à l’heure de l’argent roi dans le sport, reconnaissons au cyclisme une certaine fraîcheur proche des valeurs olympiques. Dans ce sport, on ne se dope pas pour amasser de l’argent, on se dope encore pour le plaisir puisque même le peloton amateur n’échappe pas à la règle.

    Alors, sont-ils tous dopés ? On ne l’espère pas pour le Canadien Svein Tuft,  arrivé 169ème et bon dernier à 4 heures 27 minutes et 55 secondes de Christopher Froome et à qui on conseillerait bien d’essayer un autre sport.  Mais le fait que de toutes les pratiques dopantes répertoriées à ce jour, l’autotransfusion de sang, à laquelle avait recours Armstrong (imité depuis par beaucoup de cyclistes), soit la seule à être indétectable n’invite pas à l'optimisme. Doit-on se faire du mauvais sang pour autant ?

    Pas forcément car si on additionne  tous les commentateurs sportifs, les anciens champions voire les douaniers (invités selon le Canard du 10 juillet à ne pas abuser des contrôles l’année du centenaire) qui, question dopage, s’en lavent les mains, on se dit que le cyclisme a encore de beaux jours de propreté devant lui.

    La grande boucle du dopage

    On aurait toutefois tort de cantonner le dopage au cyclisme. C’est un art planétaire, comme le démontre  le récent rapport de la commission du Sénat. On y apprend par exemple l’absence de volonté politique de lutte contre le dopage chez la Fédération internationale de tennis. La FIT a même passé un contrat d’exclusivité pour la mise en  place de ses contrôles avec une société privée, IDTM. De fait, aucune autre organisation ne peut diligenter de contrôle sur les compétitions internationales. Un bon moyen d’éviter de se tirer une balle dans le pied !

    On y apprend aussi qu’il n’y aura pas de véritable avancée en matière de dopage tant que les fédérations sportives seront les premières autorités censées condamner les sportifs pour dopage, Le médecin Jean-Pierre Mondenard insiste sur "la nécessité de séparer la lutte antidopage du monde sportif car on ne peut pas à la fois courir après les médailles et empêcher les sportifs de s’en donner les moyens, tous les moyens !" Bref, si c’est le milieu sportif lui-même qui s’occupe des contrôles d’urine, autant pisser dans un violon !  

    Enfin, on y apprend que dix pays de l’Union Européenne ne transmettent pas à Interpol les données relatives aux procédures et condamnations pour dopage  et un seul parmi les grands pays de sport : l’Espagne. Quoi ? Les sportifs espagnols dopés ? Faudrait-il rendre raison à notre Yannick national, qui avait déclaré en Novembre 2011 que les sportifs espagnols étaient « comme Obélix,  tombés dans la marmite. » ? C’est peut-être un détail pour vous, mais pour Noah, ça veut dire beaucoup.

     

    Google Bookmarks Blogmarks

    2 commentaires
  •   Depuis  le déraillement du train à Brétigny, les informations autour de ce qui a suivi l’incident semblent avoir un sérieux problème d’aiguillage. Aucune ne va dans le même sens et chaque jour apporte son lot de contre-informations, de démentis ou de pinaillages. C’est à une véritable guerre des chiffres et un champ de bataille sémantique que nous assistons par médias interposés. A partir de combien de cailloux lancés sur les pompiers peut-on parler de « caillassage » ? Combien d’effets personnels dérobés peuvent justifier le terme de pillage ? Enfin, et surtout, à partir de combien d’actes de malveillance sur des secouristes, des blessés ou des morts est-on en droit de s’indigner ?

    Pompiers bon œil ?

    Lorsque le ministre des Transports Frédéric Cuvillier, maniant l’euphémisme comme personne, explique que les pompiers  « ont été accueillis de façon un peu rude », on ne sait plus qui l’on doit plaindre : les pompiers, qui depuis quelques années découvrent l’utilité de leur casque ou la société qui non contente de s’être habituée à cet « accueil » qui leur est réservé, sort aussitôt la lance à incendie dès qu’on y fait allusion?

    La réponse à cette question, c’est le sous-préfet d'Etampes qui nous la donne : « je démens que des secours aient fait l'objet de jets de projectiles, à l'exception d'un camion de pompiers, qui pourrait avoir été visé mais n'aurait pas été touché »

    Tout s’explique enfin grâce à cette information qui pourrait avoir été de première importance mais n’aurait pas suffisamment été relayée : les pompiers ne font donc pas partie des secours et seuls sont déclarés délinquants ceux qui savent viser. Notre société « caillasseuse » est solide comme le roc et comme dirait Candide parodiant Leibniz : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles »

    Ne leur jetons pas la pierre

    Le même Frédéric Cuvillier a déclaré après l’incident n'avoir pas eu connaissance "de victimes dépouillées", faisant simplement état "d'actes isolés", "d'une personne interpellée" et "d'une tentative de vol de portable" sur un secouriste. Mais de "véritables actes commis en bande, non", a dit le ministre.

    Nous voilà grandement rassurés, tout ceci n’a pas été commis en bandes. Si chacun a agi de façon isolée, on ne peut que collectivement s’en féliciter !

    Le Front fait écran.

    Certes, quand des membres du FN tweetent sur leur compte « Lapidation, pratique barbare employée dans les pays où s’applique la Charia et sur les secours à Brétigny-sur-Orge » (Philippe Cheynet, secrétaire départemental du FN de Haute-Loire), on se dit que décidément, un grain peut en cacher un autre.  Mais s’indigner contre de tels tweets doit-il nous empêcher de nous indigner contre la délinquance cynique de quelques jeunes ? Ne laissons pas au FN le monopole du haut-le-cœur !

    Mediapart des choses

    Si même Mediapart a abondé dans le sens du vandalisme en rappelant que le périmètre de sécurité avait dû être élargi et qu’il y avait eu finalement six interpellations, leur conclusion laisse songeur : « Est-ce vraiment le moment de polémiquer ? Est-ce que ces faits ont plus d’importance que le drame lui-même ? A l’heure où les familles pleurent à peine leurs disparus, je trouve, pour ma part, que cette polémique est vraiment…indécente…chaque chose en son temps... »

    Le raisonnement est limpide : parce qu’un train a déraillé, il faudrait ne plus réfléchir pendant une semaine. C’est vrai que voler des morts, des blessés ou des secouristes, c’est pas très bien mais en parler, c’est carrément abject. Attendons un peu et regardons passer les trains.

    Le Canard décroche la palme

    Enfin, on peut lire dans Le Canard Enchaîné de cette semaine : « En fait, il s’est agi d’incidents mineurs, une embrouille entre des jeunes et les secouristes et un vol de portable sur un médecin du SAMU ». Outre qu’il est étonnant de constater que pendant les vacances, Le Canard se met à parler comme Besancenot, si l’on suit son raisonnement, ce n’est quand même pas la faute des jeunes si les secouristes cherchent l’embrouille. Et si on ne peut plus taper le portable d’un médecin qui s’occupe de cadavres, où va-t-on ? La France serait-elle devenue vieux jeu à ce point ?

    Non, décidément, si un train a bien déraillé à Brétigny, il ne fait aucun doute en revanche que les médias français sont sur la bonne voie.

    Google Bookmarks Blogmarks

    2 commentaires
  • « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » pourrait chanter Zidane aux Bleuets en référence à la Coupe du Monde 1998 si sa prestation dans « Love United» ne nous avait pas définitivement convaincus que ce n’était pas sa voix.

    Peut-on pour autant faire un parallèle entre la génération de 1998 et celle-ci ? La victoire des moins de 20 ans en Coupe du Monde est-elle une garantie de réussite pour le futur ? Si une équipe glorieuse est née, suivra-t-elle pour autant la trace de ses glorieux aînés ? Notre rédaction a tenté de répondre à cette question épineuse

    Débuts prometteurs=des buts éblouissants ?

    Si l’on regarde ce que sont devenues les précédentes sélections de jeunes championnes du Monde ou d’Europe, le oui s’impose. Il n’y a qu’à voir ce que la génération 87, qui compose en partie l’équipe de France A actuelle, fait depuis plusieurs années pour s’en persuader. Certes, il y a bien quelques joueurs qui sont depuis rentrés dans le rang et qui retrouvent les joies de l’anonymat mais si la réussite footballistique n’est pas la même pour tous, tous peuvent s’enorgueillir d’être devenus de bons citoyens et l’affabilité d’un Ménez, l’humilité d’un Ben Arfa, l’amour du maillot d’un Benzema ou l’esprit d’équipe et le sens du sacrifice d’un Nasri pourraient suffire à convaincre les plus sceptiques qu’une victoire en Phase finale est avant tout une formidable aventure humaine voire une sorte de parcours initiatique.

    Au niveau ou Haut niveau ?

    Certes, les Bleuets ont dû attendre la séance de tirs aux buts pour décrocher le graal mais jouer pendant 12O minutes avec un avant-centre qui a la conduite de balle de Cheikh Diabate, la qualité de contrôle de Bernard Lama, l’accélération de Carlos Valderrama et la qualité de frappe de Didier Deschamps tout en parvenant à se créer quelques occasions relève déjà de l’exploit. En outre, leur absence totale d’imagination dans le jeu, les phases de jeu stéréotypées proposées et l’ennui absolu éprouvé par le spectateur durant toute la finale prouvent que tous les joueurs auraient largement leur place en équipe de France A et que s’ils étaient nés quelques années plus tôt, ils auraient sans doute été les protégés du grand Raymond Domenech.

    Un mental a toutes les preuves

    On dit souvent qu’au très haut niveau, ce qui fait la différence entre des équipes de même valeur, c’est le mental. Or, on a suffisamment souvent reproché aux joueurs français leur manque de mental durant les grandes compétitions et notamment leur fébrilité au moment de conclure pour ne pas reconnaître aux Bleuets un mental d’acier. S’il fut tout à fait normal qu’on auréolât de gloire le gardien de l’équipe de France après sa prestation lors de la séance des tirs aux buts, il eût fallu ajouter que c’était –comme le disent si bien les footballeurs eux-mêmes- l’ensemble de l’équipe qui avait montré son sang-froid au moment de la terrible épreuve, aucun Français n’échouant au cours de cet exercice, au moment où la pression était à son comble. Avec un tel mental, on ne peut qu’espérer que la France soit toujours en tête.

    Google Bookmarks Blogmarks

    votre commentaire
  •  Chaque année, on entend des mauvaises langues remettre en question le bien fondé du BAC : le niveau des élèves aurait baissé, les pourcentages de réussite sans cesse plus élevés seraient davantage le fruit d’une politique du ministère que le gage d’une progression etc… Alors que bon nombre de bacheliers sont encore en train de cuver leurs résultats, faudrait-il en conclure que l’année 2013 n’est pas un bon cru ? Certes, la quasi-totalité des universités propose désormais des cours de rattrapage aux étudiants mais cela veut-il dire pour autant que ceux-ci n’ont pas toutes leurs facultés ? Forte de son expérience récente de correction du BAC de Français, notre rédaction a mené l’enquête.

    « Qu’elle que chose », « A l’eguar », « Les resin », « appart que » : un rapide coup d’œil sur les copies pourrait suffire à nous alerter sur le niveau des élèves mais celui-ci se mesure-t-il à l’aune de l’orthographe ? Doit-on automatiquement les condamner pour faute grave ? L’essentiel n’est-il pas qu’en un clic, nos élèves puissent avoir accès à l’intégralité de la biographie de Justin Bieber, seule garantie plausible de leur future réussite ?

    Reste la culture. Selon les médisants, elle serait noyée dans la bouillie télévisuelle qu’ ingurgitent chaque jour nos enfants. La télé fait-elle écran au savoir ? Pas sûr. Lorsqu’on est capable de regarder quatre heures durant Nabilla et ses acolytes sans sourciller, n’est-ce pas le signe définitif qu’on est prêt à tout affronter et à se jeter allo ?

    Un examen plus attentif des copies prouve en effet que les élèves ne manquent pas de ressources :

    Tout d’abord, on voit que les élèves sont toujours capables de situer un auteur dans une période, à trois siècles près : « Colette et Steinbeck font partie du mouvement du classicisme » et que contrairement aux idées reçues, ils ont donc encore de la culture, comme le prouve ce commentaire sur un extrait de Giono : « Le labyrinthe de buis peut nous faire penser à la légende du Minotaure ».  Ou pas aurait sûrement dit Christophe Hondelatte.

    Ce qui frappe également dans les copies des candidats, c’est leur formidable esprit logique. L’un d’entre eux, après quatre heures d’analyse approfondie du même extrait de Giono, situé manifestement au beau milieu de l’œuvre, conclut : « Nous pouvons voir que ce texte n’est pas un incipit ». Or ce bon sens et cette étonnante lucidité sont loin d’être des cas isolés. Un autre candidat, après avoir brillamment comparé les trois textes proposés qui mettaient en valeur une figure féminine, termine ainsi son devoir : « En conclusion, nous pouvons dire que les trois femmes présentes dans ces extraits sont avant tout des femmes ». Imparable.

    Pour autant, les élèves ont le mérite de ne pas sombrer dans les clichés et de ne pas se contenter d’enfoncer des portes ouvertes. Ainsi, l’un d’eux, flairant le piège, nuance intelligemment son propos : « La mère, dans le texte de Colette, est décrite avec des termes mélioratifs, ce qui montre que le texte est péjoratif ». Et Vice versa, pourrait-on ajouter.

    De même, les candidats ne se contentent pas de comprendre ce qui est dit dans le texte, ils sont également capables de repérer l’implicite. Dans le texte de Colette par exemple, lorsque la mère revient de Paris les bras chargés de barres chocolatées et de victuailles en tout genre et que les enfants l’attendent sagement à la maison, un candidat, sans doute prédestiné à l’art divinatoire ou descendant de prophète, n’hésite pas à anticiper la suite du récit « On peut supposer qu’elle donnera ses aliments à ses enfants ». Cela tient du prodige !

    Mais le génie des bacheliers de 2013 ne s’arrête pas là car en dépit de tout ce qu’on raconte sur la société d’images dans laquelle nous vivons qui briderait l’imagination des jeunes, ceux-ci renouvellent sans cesse le genre poétique en dépassant les limites étriquées du langage formaté. C’est ainsi qu’on voit des élèves oser la licence poétique (« elle est décrite de façon spectaculeuse », « Malgré sa fatigue, la mère sourissait »), redonner ses lettres de noblesse à la figure du pléonasme (« Elle fait une description du portrait », « Les trois extraits sont des nouvelles de romans »), utiliser avec brio la personnification (« Les enfants et leur ressenti ont l’air d’être heureux à ses côtés »), remotiver les images (« Les Raisins en colère », référence sans doute à la pomme de la discorde) ou redoubler d’originalité dans l’usage des comparaisons tout en rendant un vibrant hommage à Bernadette Chirac (« Son cœur n’a aucune limite, comme si se cachaient en elle toutes les associations caritatives du monde entier »).

    Leur esprit synthétique n’est pas en reste, ils savent aller droit à l’essentiel sans s’encombrer de ponctuation inutile ou de verbes superflus, voulant sans doute par là faciliter la tâche du correcteur : « Beaucoup de lieux évoqués. Omniprésence féminine. Champ lexical des vêtements ».

    Enfin, l’imagination des élèves est telle qu’elle nous transporte parfois dans un univers de Science-Fiction (« Elle portait un sac dans le bras droit ») sans jamais se départir d’une grande cohérence (« Dans Harry Potter -notez au passage la culture de l’élève-, le personnage est un sorcier comme les autres, si l’on oublie ses particularités. »). Mais surtout, le style inimitable des élèves (« C’était un rayon de soleil », « c’était une fée », « c’était un ange »), est la garantie pour la France que la littérature ne mourra pas avec Guillaume Musso ou Marc Lévy mais qu’elle a encore de belles années devant elle.

    Alors, quand un élève termine son devoir par cette phrase : « D’un geste, d’un regard, il a vu que je stressai pour le BAC et trouva une solution : il me faisa rire. », on se dit que décidément, franche rigolade et franche réussite vont souvent de pair.

     

     

     

     

    Google Bookmarks Blogmarks

    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires